Santé Coronavirus : l’urgence d’être budgétairement à la hauteur

, par udfo16

Face à la pandémie, le gouvernement annonce vouloir ouvrir les vannes budgétaires. Pour faire face au combat sanitaire, pour soutenir les salariés, les entreprises… Tous les regards se tournent vers L’État, placé au cœur de ce processus pour maintenir l’économie à flot dans le cadre d’une crise qui affiche au grand jour les conséquences du manque de moyens dont souffrent depuis des années des rouages essentiels au bon fonctionnement de la communauté, à commencer par les services publics, hospitaliers notamment. FO ne découvre pas cette situation, elle qui revendique de longue date que cessent l’austérité imposée aux dépenses publiques et les déréglementations et autres contre-réformes qui rapetissent toujours plus les droits des salariés.

On pourrait l’appeler la semaine où tout a basculé.

Le 12 mars, veille d’un week-end d’élections municipales, le président de la République s’adressait solennellement aux Français. Pas vraiment pour évoquer ces élections que l’exécutif avait décidé de maintenir, sous un feu de contestations, mais pour parler de l’épidémie du coronavirus rebaptisé covid-19.

A la mi-décembre, ce virus apparu en Chine, avait déjà commencé à proliférer dans ce pays mais semblait une menace bien lointaine pour les autres pays, la France notamment. C’était sans compter sur le développement de la contagion, liée, entre autres, aux échanges mondiaux permanents sur une planète, comparée, depuis quelques décennies, à un grand village. Du moins un grand village pour ceux qui ont, entre autres, les moyens financiers et la liberté d’en retirer les bienfaits.

Voyages de loisirs, d’affaires, importations/exportations de nourriture entre pays, d’objets et produits en tout genre, passages sans contrôle des frontières sur nombre de territoires, multiplication des modes de transports et de leur intensité… Telle est la routine d’échanges dans la vie sociale et économique qui s’est développée depuis la fin du 20e siècle.

Mais ce virus, inconnu jusque là et que beaucoup d’instituts de recherche et de laboratoires dans le monde tentent actuellement de comprendre pour pouvoir le combattre par des remèdes, dont des vaccins, est venu tout chambouler.

Renversement de situation

Ainsi le 12 mars, alors que ce coronavirus avait déjà percuté douloureusement le territoire national comme il l’avait déjà fait dans de nombreux pays, l’Italie notamment, et sur tous les continents, le chef de l’État, Emmanuel Macron, annonçait officiellement de premières mesures et réitérait les conseils de l’exécutif visant à combattre le virus : fermeture des écoles, lycées et universités, conseils de confinements aux personnes âgées de plus de 70 ans, conseils sanitaires de lavages de main, télétravail fortement recommandé, mesures de chômage partiel, etc. Ce n’était qu’une première salve.

Le 16 mars, alors que l’anxiété croissait chez les citoyens, que les personnels hospitaliers se désespéraient du manque de matériels et de moyens de protection mis à leur service dans les établissements hospitaliers, que les salariés du privé et les agents du public redoutaient légitimement d’être contaminés par ce virus, forcément porté par les interactions sociales dans le cadre de l’activité professionnelle classique, la teneur et la tonalité du discours du chef de l’État, reprenant solennellement la parole étaient tout autre. Fini les conseils sur la base de consultations d’experts, les premiers ordres sonnaient : restriction de circuler, fermeture des commerces « non essentiels à la vie de la nation », confinement maximum de la population…

"« Nous sommes en guerre »" appuyait Emmanuel Macron et le premier moyen de la mener pour les populations est le « rester chez soi ». Alors que depuis quelques jours, les bourses mondiales dont celle de Paris dévissaient à tout-va et que moult gouvernements et organisations européennes et mondiales commençaient à annoncer des mesures censées mettre sous oxygène et au plus vite les économies nationales en chute libre, le président de la République y allait lui aussi d’annonces en la matière.

Des annonces constituant un vrai renversement de situation puisque l’État était placé désormais au cœur de l’action. Retour donc à l’État providence, à l’affirmation du rôle protecteur des pouvoirs publics pour combattre, notamment, les risques sociaux énormes qui arrivaient au galop, tels les licenciements dus à la fermeture momentanée des entreprises, la chute dans une précarité plus grande encore des plus précaires dont les chômeurs, intérimaires ou saisonniers… Pour cette crise inédite, l’État protégera "« quoi qu’il en coûte »" assurait ainsi Emmanuel Macron dressant à demi-mot dans ses allocutions le procès du libéralisme effréné qui règne sur la planète.

Les revendications sont toujours là

Peut-on en déduire que cela signe l’arrêt de mort du mouvement de déréglementations à tout-va, d’un recul des droits -dans le travail, en matière sociale- et qui jette régulièrement les plus faibles dans une abîme d’insécurité ? Est-ce la fin de ce mouvement de détricotage des droits contre lequel les organisations syndicales luttent, FO notamment, depuis des années ?

Le chef de l’État annonçait le report à septembre de l’application de la réforme sur l’assurance chômage, que FO a combattue. Il annonçait aussi la mise en suspend du projet de réforme, ultra-contestée, sur les retraites.

FO s’est « félicitée » que le gouvernement « ait dû faire » ces deux annonces. Elle a néanmoins réitéré sa demande d’un « abandon » de ces réformes, revendication renouvelée à l’occasion le 17 mars d’une téléconférence entre les organisations syndicales et patronales avec la ministre du Travail, Muriel Pénicaud et le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire.

"« Nous ne mettons pas nos revendications de côté et encore moins notre liberté et indépendance de comportement en tant qu’organisation syndicale attachée à la liberté de négociation et à la liberté contractuelle »" a ainsi souligné la confédération à l’adresse du gouvernement, lui signifiant ainsi qu’aucun blanc-seing lui serait délivré en cette période difficile.

Retour de bâton

L’exécutif qui prévoit d’ores et déjà une économie nationale en récession en 2020 avec un recul de l’ordre de 1% du PIB (produit national brut/production de richesses ) a annoncé des mesures d’ordre économique, telle la garantie de l’État pour 300 milliards d’euros sur les prêts bancaires des entreprises (à ajouter l’engagement pris à l’échelon européen pour une garantie sur 1000 milliards d’euros), un plan de soutien pour l’instant à hauteur de 45 milliards d’euros pour les entreprises (pour notamment un report ou annulation des cotisations sociales et fiscales, les charges d’énergie, les loyers des entreprises, le soutien aux salariés dans le cadre du chômage partiel…), un fonds de solidarité pour les indépendants… "« Nous voulons que la solidarité joue à plein »" assurait le ministre de l’Économie, Bruno Le maire qui envisage désormais très sérieusement des nationalisations pour sauver des entreprises. Le jeudi 19 mars, un projet de loi de finances rectificatif et un projet de loi portant sur la possibilité de mise en actions du plan d’urgence sanitaire seront examinés au Parlement.

Le gouvernement est donc contraint d’ouvrir les vannes budgétaires pour faire face à la situation d’urgence sanitaire et prévoit que le déficit atteindra quasiment 4% du PIB en 2020. Autant dire que la règle européenne du 3% de déficit, induisant des budgets contraints et des latitudes de dépenses toujours en recul, est en train de voler en éclats. Cette urgence d’ouvrir les vannes met douloureusement en lumière l’état d’asphyxie de beaucoup de services publics à commencer par les établissements hospitaliers.

Manque de personnels, de moyens matériels dont beaucoup, élémentaires pour protéger les soignants (masques de protection, blouses, gel désinfectant…) : cette mise en anémie contrainte des hôpitaux depuis des années servie par l’outil Ondam (latitude de progression de dépenses) toujours en baisse chronique montre ses dégâts au grand jour. FO, qui depuis plus d’un an s’est inscrite dans le mouvement de protestation des personnels hospitaliers ne le découvre pas.

De même qu’elle ne découvre pas les besoins de l’ensemble des services publics, lesquels sont actuellement en première ligne pour ce combats mené contre le coronavirus. Des services des impôts en passant par la DCCRF (concurrence, consommation, répression des fraudes), la sécurité sociale, les services de l’Education… tous ont demandé des moyens substantiels supplémentaires ces dernières années. Tous ont fustigé des contre-réformes (loi de transformation de la Fonction publique, plan santé, loi Notre, Reate…) qui désorganisent les services et anéantissent peu à peu leur capacité et leurs moyens pour servir les usagers et à assurer les missions. Et cela en dégradant toujours davantage les conditions de travail d’agents dont les postes sont supprimés par milliers et dont les salaires sont gelés depuis près de dix ans.

"« On mesure d’autant plus aujourd’hui »" la nécessité des services publics "« et on mesure d’autant plus la justesse de nos revendications contre les politiques de rigueur et d’austérité qui ont mis l’ensemble des services publics en difficultés graves ces dernières années »" rappelait le 17 mars la confédération FO.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante